Comment Gérer le Mal de Dos et Naviguer dans les Arrêts Maladie

Zéro à cinq jours d’arrêt pour une lombalgie aiguë ?

C’est là qu’entrent en jeu des règles définies unilatéralement par l’assurance maladie sur la durée des arrêts maladie. Ces règles sont publiées sur le site ameli.fr. Pour une lombalgie, l’assurance maladie écrit que la « durée de référence » de l’arrêt de travail en cas de lombalgie aiguë est de « 0 jour ». Elle précise qu’il s’agit de la « durée à l’issue de laquelle la majorité des patients sont capables de reprendre le travail. » Le document ajoute que « si l’intensité des douleurs le justifie » la durée de référence passe à 5 jours (puis réévaluation) ».
Selon une autre fiche de l’assurance maladie, en cas de sciatique, si la personne ne porte pas de poids au travail, la durée d’arrêt de travail « de référence » est de 2 jours. S’il porte souvent 5 kilos ou occasionnellement 10 kilos, cette durée est portée à 5 jours. Elle passe à 21 jours en cas de port de charge répété de 10 kilos et occasionnel de 25 kilos, et à 35 jours en cas de port de charge supérieur à 25 kilos.

Quelques données et propositions d’une agence nationale

Sur quoi s’est fondée l’assurance maladie pour donner ces chiffres et vouloir en faire une règle pour les médecins ? Il faut aller au bas de la page et regarder les « sources » (a). Nous nous contenterons ici de la page « lombalgie commune » On y trouve 7 références, dont la plus récente date de 2007, c’est-à-dire il y a 16 ans. Vu la vitesse de renouvellement des connaissances médicales, le texte est largement dépassé.
Allons plus loin. Trois textes proviennent de l’agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES) qui est l’ancêtre de la HAS. Ces trois textes datent des années 2000 et 2004. L’un parle des lombalgies et lombosciatiques de moins de 3 mois d’évolution. Le texte ne parle nulle part de la durée habituelle ou souhaitable d’un arrêt de travail. Il indique cependant que dans une étude sur 103 personnes atteintes de lombalgie aiguë, un peu moins de 75 % avaient repris le travail au bout de 2 semaines. C’est une simple donnée d'observation, mais elle est loin de suggérer que la majorité n’a pas eu d’arrêt de travail.
Les deux autres textes de l’ANAES sont consacrés aux lombalgies chroniques (plus de trois mois) et aux arrêts de travail en général. Celui sur les lombalgies chroniques ne donne aucune information sur la durée souhaitable ou habituelle des arrêts de travail en cas de lombalgie aiguë. Celui sur les arrêts de travail en général indique en conclusion que « Selon les travaux du Credes (Centre de recherche, d'études et de documentation en économie de la santé), c’est l’évolution de la structure de la population active qui permet le mieux d’expliquer les tendances de long terme ». Et non pas les comportements individuels des patients ou des médecins. L’agence insiste sur « l’absence de données de la littérature et de critères de références à utiliser pour la prescription des arrêts maladie ». Elle recommande de « faire définir par les sociétés savantes concernées les écarts de durée d’arrêts de travail pour certaines pathologies ». Recommandation qui n’a pas été suivie par l’assurance maladie pour les lombalgies communes. Enfin l’Anaes souligne « la nécessité de révisions régulières (les pathologies, traitements et prises en charge évoluent rapidement) ».

La Haute autorité n’a pas besoin de preuve scientifique

La Haute autorité de santé (HAS) a été interrogée par l’assurance maladie avant publication de son texte en 2009 puis en 2017.. Elle souligne « l’absence de littérature de haut niveau de preuve et de recommandations de pratique clinique publiées sur le sujet » mais « ne formule pas d’objection aux durées indicatives d’arrêt de travail proposées ». Malgré leur absence de base scientifique. Et malgré leur usage possible dans la répression des professionnels de santé « désobéissants »…

a- Les sources sur lesquelles se fonde l’assurance maladie pour la « lombalgie commune ».
- Arrêts maladie : État des lieux et propositions pour l’amélioration des pratiques, ANAES sept 2004.
- Communication conjointe de la Société Française de Rhumatologie et de la Société Française de médecine du travail, janvier 2002.
- Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgies chroniques, ANAES décembre 2000.
- Prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies lombosciatiques communes de moins de trois mois d’évolution, ANAES février 2000.
- Guide d’utilisation des arrêts de travail, Espagne, 2ème édition.
- Official Disability Guidelines, 2007.
- Medical Disability Advisor, Reed group, 5th Edition, 2005.

Sources :
- Assurance maladie "Arrêts de travail : les contrôles possibles" (29 décembre 2020), "Arrêt de travail : lombalgie commune" (décembre 2017), "Arrêt de travail : sciatique" (février 2011) Site internet ameli.fr
- ANAES "Prise en charge diagnostique et thérapeutique des lombalgies lombosciatiques communes de moins de trois mois d’évolution" (février 2000), "Diagnostic, prise en charge et suivi des malades atteints de lombalgies chroniques" (décembre 2000), "Arrêts maladie : État des lieux et propositions pour l’amélioration des pratiques" (septembre 2004)
- Borak, J "Official Disability Guidelines, 11th Edition" (critique de livre) Journal of Occupational and Environmental Medicine 49(3):p 347-348, March 2007. | DOI: 10.1097/01.jom.0000240645.79399.11
- Haute autorité de santé "Avis n°2017.0083/AC/SA3P du 11 octobre 2017 du collège de la Haute Autorité de santé relatif au référentiel concernant la durée d’arrêt de travail dans le cas de la lombalgie commune"

Des règles contraignantes pour les médecins

En France, lorsqu’un médecin prescrit un arrêt de maladie, il doit indiquer quelle en est la raison médicale. Ce document est couvert par le secret professionnel et ne doit être communiqué qu’au médecin de la caisse d’assurance maladie concernée (le « médecin conseil »). Celui-ci a le pouvoir de juger du bien fondé de l’arrêt maladie et de sa durée. Il a le droit d’interrompre un arrêt de travail considéré comme trop long.
Lorsque l’assurance maladie estime qu’un médecin prescrit trop d’arrêts maladie, elle a peut aussi le « mettre sous objectifs » ou « sous accord préalable ».

Le médecin qui accepte une « mise sous objectif » s’engage à diminuer ses prescriptions pour atteindre le chiffre fixé par la caisse de sécurité sociale. Il peut aussi se voir imposer une sanction financière.
Si le médecin refuse ou s’il ne fait pas suffisamment diminuer ses prescriptions, l’assurance maladie peut aussi le mettre « sous accord préalable ». Pendant une certaine durée (jusqu’à 6 mois), tous les arrêts de travail qu’il prescrira seront examinés par un médecin conseil de l’assurance maladie qui validera – ou pas – la prescription.

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